Interview Vaehron (Pensées Nocturnes)
- Succubus
- 17 oct. 2019
- 8 min de lecture

P : Bonjour, je suis Pierre de French Metal et j’accueille aujourd’hui le chanteur Vaerohn de Pensées Nocturnes. Présente succinctement ton projet.
V : Pensées Nocturnes est de base un groupe black metal lié avec des éléments plus ou moins gothiques. Le projet a 10 ans et on vient de sortir notre dernier album “Grand Guignol Orchestra”.
P : On peut dire que le nom de Pensées Nocturnes correspondait bien à l’idée du premier album, contrairement aux thématiques du dernier.
V : Je dirai que l’idée de l’avant-garde est présente. Par conséquent, le concept du groupe reste cohérent. Néanmoins, on est beaucoup moins dans un black metal dépressif. On a développé quelque chose de plus ambigu. A la fois hyper joyeux et sombre, en fonction des phases de l’album.
P : La période cirque a commencé vers “Nom d’une pipe!“, si je ne me trompe pas.
V : Oui tout à fait, l’influence jazz est apparue avec “Nom d’une pipe!“. Elle est encore présente avec “A boire et à manger. Avant on était plus sur du néo-classique. Clairement avec “Grand guignol orchestra”, on part sur du jazz cabaret. Sur les premiers albums, on avait des bribes de théâtralisation de la musique qui n’étaient pas mises tout à fait en avant : ni musicalement, ni du point de vue de l’imagerie. Avec le dernier album on assume les choses pleinement, et c’est carrément revendiqué.
P : C’est quoi l’histoire de ce Grand Guignol orchestra ? On sent une ambiance entre le festif et le glauque, mais qu’est réellement l’histoire de ce cirque?
V : C’est pas vraiment un roman, le concept du cirque est une façon de jouer sur l’ambiguité du personnage du clown. Une espèce de bipolarité, en fait. Il est censé être joyeux et faire rire les gens. Mais il est relativement flippant. Le projet de base est de faire du black metal mais tout en se moquant du black metal. On y met un peu d’autodérision, et on le prend à revers. L’influence du cirque permet de faire quelque chose de sérieux. Le but n’est pas de tomber dans une parodie à 2 balles où on s’habille tous en rose et puis on fait un buzz sur Youtube. Le but est de faire une musique qui soit cohérente et qui fonctionne. Je pense que le côté cirque du dernier album est plutôt basé là dessus. C’est pas vraiment une histoire à raconter comme pouvait l’être “Nom d’une pipe!“.
P : As tu des noms de freak show à nous donner dont tu t’es inspiré ?
V: On essaie de mettre en valeur le moche. C’est pour ça que dans “A boire et à manger” il y avait une affiche sur laquelle était inscrit “Le beau est mort. “. Parce qu’on ne cherche pas à faire la musique la plus belle possible. Mais au contraire, de faire quelque chose d’artistique et qui tienne la route. Ca passe aussi par le fait de jouer mal, quand il faut jouer mal.Et d’assumer
aussi ces passages hyper chaotiques et dissonants. Ces idées en soit sont moches, comme pouvait être un freak show. Le but c’est de faire peur aux gens, de les écoeurer et de les effrayer.
P : Pas vraiment de références particulières du coup? Comme l’esthétique du film “ La maison des 1000 morts “ ?
V : C’est l’idée oui, après je mettrai pas en avant de grosses influences.
P : Parlons plus de la composition maintenant, donc c’est toi qui ait tout imaginé. Est ce que c’était facile de trouver des gens qui jouent du saxophone ? C’était facile d’en faire ou ils ont appris sur le tard ?
V : A la base j’utilisai énormément d’instruments virtuels, des VST. Plus on avance, moins ce type d’utilisation était de rigueur. Et effectivement, j’ai fait jouer des réelles personnes avec de vrais instruments comme en live. Difficiles à trouver non, mais je laisse une grande marge de liberté à mes musiciens.Tout n’est pas écrit, je donne mes intentions, je joue un petit truc sur une VST. Ensuite ils s’approprient eux-même le morceau. En l’occurence, j’utilise plus cette technique pour les instruments que je ne maîtrise pas forcément. Ensuite ils s’inspirent de l’idée de base pour la dépasser et l’adapter à leurs capacités. Le gros de la composition vient de moi mais je suis pas du tout un tortionnaire. Je préfère que la musique vive plutôt que de se faire chier à jouer un truc qui est injouable.
P : Est ce que tu as des noms de groupes qui t’ont été influents ?
V : Mes influences musicales ne sont pas forcément black metal, à proprement parler. De tout ce qui sort en black metal, j’ai du mal à trouver une musique qui va m’aider à apprendre de nouvelles choses. Par contre, en termes de cirque/ jazz, là il y’a énormément de choses. Clairement, la grosse influence du dernier album c’était une troupe de cirque qui jouait de la musique. Mais elle ne tourne plus, et ne joue plus de la musique. Cette troupe s’appelle “Circus Contraption”.
P : D’où ils viennent?
V : Ce sont des américains. C’était un vrai cirque ambulant qui se passait dans un bus. Il y’a même un reportage d’eux sur Youtube qui les suivait pendant une tournée.
P : Y avait il aussi des animaux dans leur cirque ?
V : Du tout, c’était un freak show musical et hyper bien pensé. Les paroles sont du tonnerre et les musiciens sont ouf.
P : Ils jouaient aussi du saxo ?
V : Je ne crois pas. Plutôt clarinette, trombonne, trompette, tuba et contrebasse. Il y’a aussi une soprano et un frontman qui a une voix de taré. Le mélange marche vraiment très bien.

P : Procédons maintenant à un petit jeu, pour connaître plus tes goûts en black metal. Choisis un nombre entre 1 et 13.
V : 13.
P : Arcturus . Pas bien ? Bien ? Très bien ?
V : J’aurai bien aimé que ce soit bien. Mais j’ai jamais réussi à accrocher. J’aurai bien aimé rentrer dedans, mais j’y suis pas arrivé. Peut être parce que le son est un peu trop vieux ?
P : Un autre numéro ?
V : 10 *rires*
P: Meleschech.
V : J’ai eu l’occasion de les faire jouer plusieurs fois, quand je donnais un coup de main aux Acteurs de l’Ombre. J’ai jamais écouté sur album ou alors cela n’a m’a pas marqué. En live ca peut être très cool, après j’ai trouvé le mec assez exécrable.
P : Comment ça exécrable ?
V : Je me souviens au Cernunnos à “La Locomotive”, il se la jouait superstar et pétait les couilles à tout le monde. Il était vraiment ingérable.
P : Regarde les Hommes Tomber ?
V : Je trouve ça cool dans le sens où le premier album est très efficace. C’est pas à priori le groupe que j’écoute tous les jours. Ce qui est cool, c’est que le son du premier album est relativement pourri. On sent qu’ils l’ont fait avec les moyens du bord. Ce qui donne un vrai charme. J’avais peur que pour le second album ils aient une putain de production. Mais non ils ont préféré rester dans ce côté “roots” qui marche vraiment bien. Et en live ça défonce. C’est pas mes influences premières, mais c’est clairement un très bon groupe de la scène française d’aujourd’hui.
P : Pour le troll, Peste Noire ?
V : Ah si je suis fan à 100 %. Mais en mettant de côté les idéologies. Artistiquement c’est un génie, il a des idées de malade. “L’ordure à l’état pur” c’est un des albums que j’ai le plus écouté dans ma vie.
P : La sanie des siècles, peut être ?
V : Cet album est un peu trop basique. C’est une espèce de black metal dépressif.
P : Folkfuck peut être ?
V : Folkfuck est beaucoup mieux, même si le son est vraiment à chier. Il me plonge bien dans l’ambiance Moyen-Age. J’ai bien aimé “Ballades” mais c’est un peu dur pour se plonger dedans. Mais “ L’ordure “ pour moi, reste une référence.
P : Et son idée récente de mélanger du rap, tu aimes bien ?
V : Je ne pense pas que ce soit la meilleure idée qu’il ait eu. C’est vrai que j’ai du mal avec tous les sons électro qu’il a utilisés. Il veut faire du charisme sans savoir en faire.
P : The Great Old Ones ?
V: Je suis un peu plus partagé qu’avec Regarde Les Hommes Tomber. Le son est hyper propre et c’est parfait quand ils jouent en live et en album. Néanmoins j’ai un peu de mal avec ce côté nappes. J’ai du mal à me plonger dans ce genre d’ambiance, je préfère à la limite un bon album de post-rock.
P : On va finir sur 2 groupes : Uada/Mgla.
V: Cela fait une dizaine d’années que je connais Mgla, mais je ne connais pas Uada. C’est Gérald qui m’a fait découvrir Mgla. J’aimais bien ce côté évasif, à l’instar de TGOO, j’ai plus de facilité à me laisser transporter par cette musique hyper linéaire mais hyper entraînante. En concert, c’est propre et carré. Ils ne cherchent pas forcément à édulcorer leurs musiques des albums.
P : Faketushka ou Batushka ?
V : Alors moi j’ai pas trop suivi l’histoire mais je n’ai pas vraiment écouté en soit. Je les ai déjà vu avant qu’ils se séparent au Gibus. Le son était nul à chier. Et bah sans bon son, le côté ritualiste hyper lent et lancinant ne marchait vraiment pas. Les conditions n’étaient pas réunies pour que cela fonctionne. Tous les groupes qui font du buzz comme “Zeal and Ardor”, j’ai du mal à comprendre. Maintenant pour être honnête, j’ai jamais pris le temps d’écouter un album de Batushka. L’idée d’avoir des choeurs est bonne, mais le résultat n’est pas à la hauteur de l’idée de base.
P : Finissons sur une question plus générale. Vu que tu as l’air de parodier le black, qu’est ce que tu penses du black metal d’aujourd’hui ?
V : En fait, j’ai vraiment du mal à prendre de nouvelles claques musicales dans ce style. Je pense que la dernière claque que je me suis pris, ça doit être “Anti” de Diapsiquir. J’écoute en
fait de la musique, pour trouver des idées et pour aller de l’avant. Pour m’influencer tout simplement. Et aujourd’hui, c’est pas vraiment dans le black metal que j’apprends beaucoup de choses. Je pense qu’il y’a encore Deathspell Omega qui arrive à faire des trucs qui marchent vraiment bien. J’ai été très déçu par le dernier Peste Noire. Je suis pas forcément non plus beaucoup le style pour dire que le black metal c’est de la merde. Mais je ne perds pas espoir, je pense que c’est un genre où il y’a énormément de choses à faire.
P : Je sais que c’est trop tôt pour le dire concrètement. Est ce que tu as des idées concept du prochain album ?
V : Je pense qu’on restera dans la même veine que “Grand Guignol Orchestra”. Clairement, cet album est le meilleur du groupe. Il marche bien et est relativement naturel. Depuis qu’on fait des live, inconsciemment on imagine comment notre musique en album pourrait rendre en concert. On fera pas non plus un “Grand Guignol Orchestra 2”. Les albums de Pensées Nocturnes sont tous différents les uns des autres. C’est un créneau qui me botte bien et qui est unique pour l’instant.
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